Un bacio

UN BAISER

Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce?
Un serment fait d’un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui se veut confirmer,
Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer;
C’est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille,
Une communion ayant un goût de fleur,
Une façon d’un peu se respirer le coeur,
Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme!

§

Un bacio, in fondo, che cos’è?

Un giuramento fatto un poco più da presso,
un più preciso patto,
una confessione che sigillar si vuole,
un apostrofo roseo
messo tra le parole
t’amo;
un segreto detto sulla bocca,
un istante d’infinito
che ha il fruscio di un’ape tra le piante,
una comunione che ha gusto di fiore,
un mezzo di poteri respirare un po’ il cuore
e assaporarsi l’anima a fior di labbra…

EDMOND ROSTAND

Published in: on dicembre 18, 2015 at 07:39  Comments (1)  

Il gattino

LE PETIT CHAT

C’est un petit chat noir effronté comme un page,
Je le laisse jouer sur ma table souvent.
Quelquefois il s’assied sans faire de tapage,
On dirait un joli presse-papier vivant.

Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge ;
Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
A ces minets tirant leur langue de drap rouge,
Qu’on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

Quand il s’amuse, il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
Souvent je m’accroupis pour suivre sa mimique
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

Tout d’abord de son nez délicat il le flaire,
La frôle, puis, à coups de langue très petits,
Il le happe ; et dès lors il est à son affaire
Et l’on entend, pendant qu’il boit, un clapotis.

Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

Alors il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l’air étonné d’avoir déjà fini.
Et comme il s’aperçoit qu’il s’est fait quelques taches,
Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni.

Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;
Il les ferme à demi, parfois, en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.

§

E’ un gattino nero, sfrontato, oltre ogni dire,
Lo lascio spesso giocare sul mio tavolo.
A volte vi si siede senza far rumore,
Quasi un vivente fermacarte.

Nulla, non un capello del suo velluto si muove;
Si allunga lì, nero su un foglio bianco,
Simile a quei micetti che per pulirsi le piume
tirano fuori la loro lingua di panno rosso.

Quando gioca, è estremamente comico
Goffo e grazioso, come un buffo orsacchiotto.
Mi capita spesso di accovacciarmi a seguire le sue mosse
Quando si mette davanti a lui il piattino di latte.

All’improvviso col suo naso delicato annusa,
Quindi, a piccoli colpi di lingua afferra la spazzola
Questa è la sua attività
E si intende, bevendo una sorsata.

Beve, muovendo la coda e senza pause,
E infine rialza il suo bel muso piatto
Quando ha passato la  lingua ruvida e rosa
Ovunque, e ben ripulito il piatto.

Poi si lecca i baffi per un po’,
Con l’aria stupita di chi ha già finito
Come si rendesse conto di avere una macchia,
E si liscia ancora una volta, lustra il pelo stinto.

Gli occhi gialli e blu sono due agate.
A volte li socchiude, tirando su col naso,
Si rovescia, si prende il muso tra le zampe,
pare una tigre distesa su di un fianco.

EDMOND ROSTAND

Published in: on febbraio 20, 2013 at 07:46  Comments (3)  

La stella

L’ÉTOILE

Ils perdirent l’Etoile, un soir; pourquoi perd-on
L’Etoile ? Pour l’avoir parfois trop regardée.
Les deux rois blancs étant des savants de Chaldée,
Tracèrent sur le sol des cercles au bâton.

Ils firent des calculs, grattèrent leur menton.
Mais l’étoile avait fui, comme fuit une idée.
Et ces hommes dont l’âme eut soif d’être guidée
Pleurèrent, en dressant des tentes de coton.

Mais le pauvre Roi noir, méprisé des deux autres
Se dit : ” Pensons aux soifs qui ne sont pas les nôtres,
Il faut donner quand même à boire aux animaux. ”

Et, tandis qu’il tenait son seau par son anse,
Dans l’humble rond de ciel où buvaient les chameaux
Il vit l’Etoile d’or, qui dansait en silence.

§

Perdettero la stella un giorno.
Come si a perdere
La stella? Per averla troppo a lungo fissata…
I due re bianchi,
ch’eran due sapienti di Caldea,
tracciaron al suolo dei cerchi, col bastone.

Si misero a calcolare, si grattarono il mento…
Ma la stella era svanita come svanisce un’idea,
e quegli uomini, la cui anima
aveva sete d’essere guidata,
piansero innalzando le tende di cotone.

Ma il povero re nero, disprezzato dagli altri,
si disse: ” Pensiamo alla sete che non è la nostra.
Bisogna dar da bere, lo stesso, agli animali”:

E mentre sosteneva il suo secchio per l’ansa,
nello specchio di cielo
in cui bevevano i cammelli
egli vide la stella d’oro che danzava in silenzio.

EDMOND ROSTAND