
LES COLCHIQUES
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne
Les enfants de l’école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne
§
Il prato è velenoso ma bello in autunno
Le mucche pascolandovi
Lente vi s’avvelenano
Vi fiorisce colore d’occhiaia e di lillà il colchico
I tuoi occhi sono come quel fiore
Violastri come il livido che li cerchia e l’autunno
E lenta la mia vita per loro s’avvelena
Arrivano fracassoni da scuola i ragazzini
Incasaccati di panno e suonando l’armonica
Colgono le freddoline che sono come madri
Figlie delle loro figlie e color delle palpebre
Che batti come i fiori batte il vento demente
Il mandriano canta dolcissimamente
Mentre per sempre il prato mal fiorito da autunno
Abbandonan muggendo le mucche lentamente
GUILLAUME APOLLINAIRE