
Serait-ce le gendarme des insectes ?
Tout le jour, elle saute et s’acharne aux trousses d’invisibles braconniers qu’elle n’attrape jamais.
Les plus hautes herbes ne l’arrêtent pas.
Rien ne lui fait peur, car elle a des bottes de sept lieues, un cou de taureau, le front génial, le ventre d’une carène, des ailes en celluloïd, des cornes diaboliques et un grand sabre au derrière.
Comme on ne peut avoir les vertus d’un gendarme sans les vices, il faut bien le dire, la sauterelle chique.
Si je mens, poursuis-la de tes doigts, joue avec elle à quatre coins, et quand tu l’auras saisie, entre deux bonds, sur une feuille de luzerne, observe sa bouche :
par ses terribles mandibules, elle sécrète une mousse noire comme du jus de tabac.
Mais déjà tu ne la tiens plus. Sa rage de sauter la reprend. Le monstre vert t’échappe d’un brusque effort et, fragile, démontable, te laisse une petite cuisse dans la main.
§
Che sia il carabiniere degli insetti?
Tutto il santo giorno, salta e si accanisce alle calcagna di invisibili bracconieri, ma non riesce mai ad acchiapparli. Neppure l’erbe più alte la fermano.
Nulla la intimidisce, ché porta gli stivali delle sette leghe, collo di toro, una fronte geniale, un ventre a carena, ali di celluloide, due corna diaboliche e uno sciabolone di dietro.
Poiché non è possibile aver tutte le virtu d’un carabiniere senza averne anche i vizi, la cavalletta, bisogna pur dirlo, cicca!
Se credi che io dica una bugia, inseguila con le dita, gioca con lei ai quattro cantoni, e quando tra un salto e l’altro sarai riuscito a prenderla su una foglia d’erba medica, guàrdale la bocca: dalle tremende mandibole secerne una schiuma nera che pare sugo di tabacco.
Ma già non puoi più tenerla. La frenesia del salto la riprende.
Con una mossa brusca, il mostro verde ti scappa e, fragile, smontabile, ti lascia una zampetta tra le dita.
JULES RENARD