Portovenere

La mer est de nouveau obscure.
Tu comprends,

c’est la dernière nuit.
Mais qui vais-je appelant?

Hors l’écho, je ne parle à personne, à personne.

Où s’écroulent les rocs, la mer est noire, et tonne

dans sa cloche de pluie.
Une chauve-souris

cogne aux barreaux de l’air d’un vol comme surpris,

tous ces jours sont perdus, déchirés par ses ailes

noires, la majesté de ces eaux trop fidèles

me laisse froid, puisque je ne parle toujours

ni à toi, ni à rien.
Qu’ils sombrent, ces « beaux jours »!

Je pars, je continue à vieillir, peu m’importe,

sur qui s’en va la mer saura claquer la porte.

§

Di nuovo cupo il mare. Tu capisci,
è l’ultima notte. Ma chi chiamo? A nessuno
parlo, all’infuori dell’eco, a nessuno.
Dove strapiomba la roccia il mare è nero, e rimbomba
in una campana di pioggia. Un pipistrello
urta come stupito sbarre d’aria,
e tutti questi giorni sono persi, lacerati
dalle sue ali nere, a questa gloria
d’acque fedeli resto indifferente,
se ancora non parlo né a te né a niente. Svaniscano
questi “bei giorni”! Parto, invecchio, che importa,
il mare dietro a chi va sbatte la porta.

PHILIPPE JACCOTTET

Published in: on giugno 4, 2020 at 07:04  Lascia un commento  

Lettera

LETTRE

Michelle, nous avons été de ces oiseaux
qui se frôlent, portés en flèche à la lumière,
et se poursuivent en criant toujours plus haut
jusqu’à l’extase, trop pareille à l’éphémère…
– Mais plus d’images entre nous: j’ai dit en rêve
les mots qui rendent la distance un peu plus brève
entre nos corps, ces personnages infernaux;
tu savais en former d’assez étroits anneaux
pour qu’ils exultent à en oublier leurs frontières
et la mort qui attend, curieuse, derrière;
moi, j’étais trop souvent comme un enfant distrait,
je voyageais, je vieillissais, je te quittais,
et quand nous sommes remontés vers l’aube crue,
c’est un spectre que tu guidais de rue en rue,
là où le chant du coq ne pourrait plus l’atteindre.
Et pourtant cette ombre t’aimait… On ne sait pas
ce que l’on trouvera là-bas pour vous étreindre…
– Habitante de cette nuit, tu penseras
sans trop de haine à qui demeure on ne sait où
et te frôla comme un oiseau sur les paupières
puis monta, sans cesser d’apercevoir dessous
ton sourire scintiller comme une rivière…

§

Michelle, noi fummo uccelli che si sfiorano,
frecce verso la luce, che s’inseguono
gridando sempre piú in alto, fino all’estasi,
sorella dell’effimero.
− Non servono le immagini fra noi: dissi parole
in sogno, che rendono piú breve la distanza
fra i nostri corpi, figure infernali; tu sapevi
formarne degli anelli abbastanza stretti
perché esultassero scordando i loro limiti
e la morte che, curiosa, dietro aspetta;
io, ero troppo spesso un fanciullo distratto,
viaggiavo e poi invecchiavo, abbandonandoti,
e quando risalimmo su verso l’alba cruda,
era uno spettro che tu guidavi di strada in strada,
là dove il canto del gallo mai piú l’avrebbe raggiunto.
Eppure quest’ombra ti amava… E non sai mai
laggiú cosa ti attende, quale abbraccio…
− Abitante di questa notte, penserai
senza troppo odio a chi dimora chissà dove
e ti sfiorò come un uccello sulle palpebre,
poi risalí, senza cessare di scorgere in basso
il tuo sorriso scintillare come un fiume…

PHILIPPE JACCOTTET

Published in: on novembre 21, 2017 at 07:03  Lascia un commento