Il mirto

LE MYRTE

Parfois je te savais la terre, je buvais
Sur tes lèvres l’angoisse des fontaines
Quand elle sourd des pierres chaudes, et l’été
Dominait haut la pierre heureuse et le buveur.

Parfois je te disais de myrte et nous brûlions
L’arbre de tous tes gestes tout un jour.
C’étaient de grands feux brefs de lumière vestale.
Ainsi je t’inventais parmi tes cheveux clairs.

Tout un grand été nul avait séché nos rêves,
Rouillé nos voix, accru nos corps, défait nos fers.
Parfois le lit tournait comme une barque libre
Qui gagne lentement le plus haut de la mer.

§

Talvolta io ti sapevo terra, bevevo
Sulle tue labbra l’ansia delle fonti
Sgorgante da pietre calde, e l’estate
Sovrastava la pietra felice e il bevitore.

Talvolta ti dicevo di mirto e bruciavamo
L’albero di tutti i tuoi gesti per un intero giorno.
Erano grandi fuochi brevi di luce vestale,
Così t’inventavo fra i tuoi capelli chiari.

Una lunga estate di niente aveva disseccato i nostri sogni,
Arrugginite le voci, accresciuti i corpi, disciolti i nostri ferri.
Talvolta il letto ruotava come una barca alla deriva
Che lentamente guadagna l’alto mare

YVES BONNEFOY

Published in: on ottobre 17, 2018 at 06:55  Comments (1)  

La bellezza

LA BEAUTE’

Suis-je belle, ô mortels,
Comme un rêve de pierre? Non, ce n’est pas
Ce triste assentiment que j’attends de vous.
L’enfant pleure sur le chemin et je l’oublie,

Ne suis-je la beauté
Que parce que je flatte votre rêve?
Non, j’ai au fond de moi des yeux grand ouverts,
Je suis tapie, effrayée, je suis prête

À me jeter en avant, à griffer,
Ou à faire la morte si je sens
Que ma cause est perdue dans vos regards.

Demandez-moi d’être plus que le monde.
Souffrez que je ne sois que ce corps inerte,
Pansez-moi de vos vœux, de vos souvenirs.

§

Sono bella, o mortali,
Come un sogno di pietra? No, non è
Questo triste assenso che mi aspetto da voi.
Il bambino piange sul sentiero e lo dimentico,

Sono la bellezza
Solo perché stuzzico il vostro sogno?
No, ho in fondo a me degli occhi spalancati,
Io sono nascosta, spaventata, sono pronta

A scagliarmi in avanti, a graffiare,
O a fare la morta se sento
Che la mia causa è persa nei vostri sguardi.

Chiedetemi di essere più del mondo.
Patite che io non sia che questo corpo inerte,
Curatemi con i vostri auspici, con i vostri ricordi.

YVES BONNEFOY

Published in: on marzo 28, 2018 at 07:24  Comments (1)  

Il pianista

LE PIANISTE

I

Ce clavier, il y revenait chaque matin,
C’était ainsi depuis qu’il avait cru
Entendre un son qui eût changé la vie
Il écoutait, martelant le néant.

Et ainsi allait-il un sol détrempé.
La musique, plus rien qu’une lueur
À l’horizon d’un ciel qui restait sombre,
Il croyait que l’éclair s’y amassait.

Il vieillit. Et l’orage l’enferma
Dans sa maison aux vitres embrasées.
Ses mains sur le clavier égarèrent son rêve.

Est-il mort? Qu’il se lève, dans le noir,
Et entrouvre sa porte, et sorte! Ne sachant
Si c’est le jour qui point ou la nuit qui tombe.

II

Une main qui se risque, désirante,
Dans les remous d’une eau soit claire soit sombre,
Son image se brise, on pourrait croire
Qu’elle n’a plus la force de retenir.

Et cette autre, dans un miroir? Elle s’approche
De la tienne, qui vient à elle, leurs doigts se touchent
Presque, mais dans le rien de cet écart
S’ouvre l’abîme entre être et apparence.

Ces doigts, au moins, qui émeuvent des cordes.
Une autre main va-t-elle, du fond des sons,
Monter les prendre dans les siens, pour les guider?

Mais vers quoi? Je ne sais si c’est amour
Ou mirage, et rien que du rêve, les paroles
Qui n’ont qu’eau ou miroir, ou son, pour tenter d’être.

§

I

Quella tastiera, lui vi tornava ogni mattina,
Era così da quando aveva creduto
Di udire un suono che avrebbe cambiato la vita,
Ascoltava, martellando il nulla.

E così percorreva un suolo fradicio.
La musica, nient’altro che un bagliore
All’orizzonte di un cielo che restava cupo,
Credeva che vi si addensasse il lampo.

Invecchiò. E il temporale lo rinchiuse
Nella sua casa dai vetri illuminati.
Le sue mani sulla tastiera smarrirono il sogno.

È morto? Che si alzi, nel buio,
E socchiuda la porta, ed esca! Senza sapere
Se sia il giorno che spunti o la notte che cali.

II

Una mano che s’arrischia, anelante,
Nei vortici di un’acqua sia chiara sia cupa,
La sua immagine si sbriciola, si potrebbe credere
Che non abbia più la forza di trattenere.

E quest’altra, nello specchio? Si avvicina
Alla tua, che le va incontro, le loro dita si toccano
Quasi, ma nel nulla di questa distanza
S’apre l’abisso tra essere e apparenza.

Queste dita, almeno, che scuotono corde.
Un’altra mano salirà, dal fondo dei suoni,
A prenderli nei suoi, per guidarli?

Ma verso cosa? Io non so se è amore
O miraggio, e nient’altro che sogno, le parole
Che non hanno che acqua o specchio, o suono, per tentare d’essere.

YVES BONNEFOY

Published in: on ottobre 2, 2017 at 06:56  Comments (1)  

La pioggia d’estate

LA PLUIE D’ÉTÉ

I

Mais le plus cher mais non
Le moins cruel
De tous nos souvenirs, la pluie d’été
Soudaine, brève.

Nous allions, et c’était
Dans un autre monde,
Nos bouches s’enivraient
De l’odeur de l’herbe.

Terre,
L’étoffe de la pluie se plaquait sur toi.
C’était comme le sein
Qu’eût ravé un peintre.

II

Et tôt après le ciel
Nous consentait
Cet or que l’alchimie
Aura tant cherché.

Nous le touchions, brillant,
Sur les branches basses,
Nous en aimions le goût
D’eau, sur nos lèvres.

Et quand nous ramassions
Branches et feuilles chues,
Cette fumée le soir puis, brusque, ce feu,
C’était l’or encore.

§

I

Ma il più caro, ma non
il meno crudele,
di tutti i nostri ricordi, la pioggia d’estate
improvvisa, breve.

Andavamo, ed era
in un altro mondo,
le nostre bocche s’inebriavano
dell’odore dell’erba.

Terra,
la stoffa della pioggia s’incollava su di te.
Era come il seno
che un pittore avrebbe sognato.

II

E subito dopo il cielo
ci accordava
quell’oro che l’alchimia
aveva tanto cercato.

Lo toccavamo, brillante,
sui rami bassi,
ne amavamo il gusto
d’acqua sulle nostre labbra.

E quando raccoglievamo
rami e foglie cadute,
quel fumo la sera, di colpo, quel fuoco,
era ancora l‘oro.

YVES BONNEFOY

Published in: on aprile 6, 2017 at 07:36  Comments (3)  

Il lume, il dormiente

LA LAMPE, LE DORMEUR

I

Je ne savais dormir sans toi, je n’osais pas
Risquer sans toi les marches descendantes.
Plus tard, j’ai découvert que c’est un autre songe,
Cette terre aux chemins qui tombent dans la mort.

Alors je t’ai voulue au chevet de ma fièvre
D’inexister, d’être plus noir que tant de nuit,
Et quand je parlais haut dans le monde inutile,
Je t’avais sur les voies du trop vaste sommeil.

Le dieu pressant en moi, c’étaient ces rives
Que j’éclairais de l’huile errante, et tu sauvais
Nuit après nuit mes pas du gouffre qui m’obsède,
Nuit après nuit mon aube, inachevable amour.

II

— Je me penchais sur toi, vallée de tant de pierres,
J’écoutais les rumeurs de ton grave repos,
J’apercevais très bas dans l’ombre qui te couvre
Le lieu triste où blanchit l’écume du sommeil.

Je t’écoutais rêver. Ô monotone et sourde,
Et parfois par un roc invisible brisée,
Comme ta voix s’en va, ouvrant parmi ses ombres
Le gave d’une étroite attente murmurée!

Là-haut, dans les jardins de l’émail, il est vrai
Qu’un paon impie s’accroît des lumières mortelles.
Mais toi il te suffit de ma flamme qui bouge,
Tu habites la nuit d’une phrase courbée.

Qui es-tu ? Je ne sais de toi que les alarmes,
Les hâtes dans ta voix d’un rite inachevé.
Tu partages l’obscur au sommet de la table,
Et que tes mains sont nues, ô seules éclairées!

§

I

Non sapevo dormire senza di te, non osavo
Senza di te affrontare i gradini declivi.
Più tardi ho scoperto che questo è un altro sogno,
La terra dai precipiti sentieri nella morte.

Ti ho voluta allora al capezzale della mia febbre
Di non esistere, d’essere nero più di tanta notte,
E quando nel mondo inutile parlavo ad alta voce,
Avevo te, sulle vie del troppo vasto sonno.

Il dio in me urgente erano rive che rischiaravo
Con l’olio errante, ed eri tu a salvare i miei passi
Di notte in notte dalla voragine d’angoscia,
Di notte in notte, tu, alba, senza fine amore.

II

− Su di te mi chinavo, valle di tante pietre,
Ascoltavo il mormorio del grave tuo riposo,
Scorgevo nel profondo dell’ombra che ti copre
Il luogo triste ove la schiuma s’imbianca, del sonno.

Ti ascoltavo sognare. Oh monotona e sorda,
Talvolta da una roccia invisibile spezzata,
Come si allontana la tua voce, aprendo fra le ombre
Il borro di un’esigua attesa mormorata!

Lassù, nei giardini di smalto, è vero
Che un empio pavone si accresce di luci mortali.
Ma basta per te la mia fiamma che oscilla,
Tu abiti la notte di una frase ricurva.

Chi sei? Di te conosco soltanto gli allarmi,
Nella tua voce gli affanni d’un rito incompiuto.
Tu dividi l’oscuro a sommo del desco,
E quanto nude le tue mani, oh sole in luce!

YVES BONNEFOY

Published in: on settembre 13, 2016 at 06:52  Lascia un commento  

Una voce

UNE VOIX

Écoute-moi revivre dans ces forêts
Sous les frondaisons de mémoire
Où je passe verte,
Sourire calciné d’anciennes plantes sur la terre,
Race charbonneuse du jour.

Écoute-moi revivre, je te conduis
Au jardin de présence,
L’abandonné au soir et que des ombres couvrent,
L’habitable pour toi dans le nouvel amour.

Hier régnant désert, j’étais feuille sauvage
Et libre de mourir,
Mais le temps mûrissait, plainte noire des combes,
La blessure de l’eau dans les pierres du jour.

§

Ascoltami rivivere nei boschi sotto il fogliame della memoria dove verdeggiante trascorro, sorriso calcinato di antiche piante sulla terra, stirpe carbonacea del giorno. Ascoltami rivivere, ti conduco al giardino di presenza, abbandonato alla sera e ricoperto d’ombre, abitabile per te nel nuovo amore. Ieri deserto regnante, ero una foglia selvatica e libera di morire, ma il tempo maturava, nero compianto delle valli, la ferita dell’acqua nelle pietre del giorno.

YVES BONNEFOY

 

Published in: on marzo 1, 2014 at 07:48  Comments (1)  

Terra dell’alba

TERRE DU PETIT JOUR

L’aube passe le seuil, le vent s’est tu,
Le feu enclos dans la laure des ombres.

Terre des bouches froides, ô criant
Le plus vieux deuil par tes secretes clues,
L’aube va refleurir sur tes yeux de sommeil,
Découvre-moi souillé ton visage d’orante.

§

L’alba oltrepassa la soglia, si è acquietato il vento,
il fuoco rinchiuso nel chiostro delle ombre.

O terra di bocche fredde, che gridi
il lutto più antico dai tuoi segreti anfratti,
l’alba rifiorirà sui tuoi occhi di sonno,
rivelami, macchiato, il tuo viso che prega.

YVES BONNEFOY

Published in: on luglio 10, 2013 at 07:27  Lascia un commento