
MON DOUX AMI
Mon doux ami dort sous la tente.
C’est pour qu’il dorme que je veille.
Quand je suis seul c’est que j’attends mon ami.
Je ne vais à lui que le soir.
C’est maintenant l’heure de tous les feux du Midi;
Toute la terre flétrit de soif et de crainte et d’attente;
C’est l’heure où la volonté des hommes vaillants s’épouvante,
Où la pensée des sages se déconcerte,
Où la vertu des purs s’altère, —
Tant la soif est désir d’amour
Et l’amour est soif de toucher, —
Où tout ce qui n’est pas de feu
Sous cette ardeur se décolore.
Il en est qui, le soir venu, n’ont plus retrouvé
[leur courage et que tant de chaleur a lassés;
Il en est qui, le long du désert, ont cherché,
toute la nuit après en vain leur pensée égarée; —
À cause de mon ami
J’attends la douce nuit sans crainte.
Quand le soir vient, mon ami se réveille;
Je vais à lui; nous nous consolons longuement.
Il promène mes yeux dans le jardin des étoiles.
Je lui parle des grands arbres du Nord
Et des froids bassins où la lune,
Berger du ciel, comme une amante, va se laver;
Il m’explique que les seules choses périssables
Ont inventé les seules paroles
Et que celles qui ne doivent point périr
Se taisent toujours, ayant tout le temps pour parler —
Et que leur éternité les raconte.
§
Dorme il mio dolce amico sotto la tenda.
Ed io veglio perché lui dorma.
Quando son solo è che aspetto il mio amico.
Da lui non vado che la sera.
È questa l’ora di tutti i fuochi del Mezzogiorno;
La terra tutta discolora di sete, d’attesa e di paura;
L’ora in cui la volgarità degli impavidi vacilla,
In cui il pensiero dei saggi si confonde, –
In cui la virtù dei puri si corrompe, –
Tanto la sete è desiderio d’amore
E l’amore è sete di toccare, –
In cui tutto ciò che non è di fuoco
In questa vampa perde il suo colore.
C’è chi, a sera, sfinito da un caldo così grande, non ha più
trovato il suo coraggio;
C’è chi, attraverso il deserto, ha cercato, tutta la notte, vanamente
appresso al suo pensiero smarrito;
Grazie al mio amico
Senza paura attendo la dolce notte.
Quando è sera, il mio amico si sveglia;
Vado da lui, e lungamente ci consoliamo.
Accompagna i miei occhi nel giardino delle stelle.
Gli parlo dei grandi alberi del Nord
E delle fredde vasche in cui la luna,
Pastore celeste, come un amante, si bagna;
Lui mi spiega che solo le fuggevoli cose
Hanno inventato le nude parole
Mentre quelle che non devono perire
Tacciono sempre, avendo tutto il tempo di parlare –
E che la loro eternità le narra.
ANDRÉ GIDE