OFFRANDE
Mes livres je les fis pour vous, ô jeunes hommes,
Et j’ai laissé dedans,
Comme font les enfants qui mordent dans des pommes,
La marque de mes dents.
J’ai laissé mes deux mains sur la page étalées,
Et la tête en avant
J’ai pleuré, comme pleure au milieu de l’allée
Un orage crevant.
Je vous laisse, dans l’ombre amère de ce livre,
Mon regard et mon front,
Et mon âme toujours ardente et toujours ivre
Où vos mains traîneront.
Je vous laisse le clair soleil de mon visage,
Ses millions de rais,
Et mon coeur faible et doux, qui eut tant de courage
Pour ce qu’il désirait.
Je vous laisse ce coeur et toute son histoire,
Et sa douceur de lin,
Et l’aube de ma joue, et la nuit bleue et noire
Dont mes cheveux sont pleins.
Voyez comme vers vous, en robe misérable,
Mon Destin est venu,
Les plus humbles errants, sur les plus tristes sables,
N’ont pas les pieds si nus. –
– Et je vous laisse, avec son feuillage et ses roses,
Le chaud jardin verni
Dont je parlais toujours; –
– et mon chagrin sans cause,
Qui n’est jamais fini…
§
I miei libri, io li ho fatti per voi, giovani amici,
e vi ho lasciato dentro,
come fanno i bambini che mordono le mele,
il segno dei denti.
Ho lasciato le mani sulla pagina stese,
e, la testa in avanti,
ho pianto, come piange nel mezzo del viale
un temporale estenuante.
Vi lascio, nell’ombra amara del mio libro,
la fronte e lo sguardo,
e l’anima sempre che arde e ubriaca:
lì vi andranno le mani.
Vi lascio il chiaro sole del mio viso,
i suoi milioni di raggi,
e il mio cuore debole, che ebbe tanto coraggio
per i suoi desideri.
Vi lascio questo cuore e tutta la sua storia,
la sua dolcezza di lino,
e l’alba del mio viso, e la notte blu e nera
che mi riempie i capelli.
Vedete come a voi, in un misero vestito,
è venuto il mio Destino.
I più poveri viandanti, sulle più tristi sabbie,
non hanno così nudi i piedi.
– E vi lascio, col fogliame e le sue rose,
il giardino caldo brillante
che vi dicevo sempre; – e la mia pena immotivata
che non è mai finita…
ANNA-ÉLISABETH DE NOAILLES