Un giorno

UN JOUR

Un jour
Il y aura autre chose que le jour
Une chose plus franche, que l’on appellera le Jodel
Une encore, translucide comme l’arcanson
Que l’on s’enchâssera dans l’oeil d’un geste élégant
Il y aura l’auraille, plus cruel
Le volutin, plus dégagé
Le comble, moins sempiternel
Le baouf, toujours enneigé
Il y aura le chalamondre
L’ivrunini, le baroïque
Et tout un planté d’analognes
Les heures seront différentes
Pas pareilles, sans résultat
Inutile de fixer maintenant
Le détail précis de tout ça
Une certitude subsiste : un jour
Il y aura autre chose que le jour.

§

Un giorno
Ci sarà una cosa diversa dal giorno
Una cosa più franca, che si chiamerà lo Jodel
Una ancora, traslucida, come la pece greca
Che ci si incastrerà nell’ occhio con mossa elegante
Ci sarà l’aura-orecchio, più crudele
Il mollusco, più libero
Il soffitto meno eterno
Il  baouf sempre innevato
Ci sarà la quercia-galera
Ci sarà il fuoco-bambino, il baroico
E tutta una piantagione di cose simili
Le ore saranno differenti
Non le stesse, senza risultato
È inutile fissare adesso
I dettagli precisi di tutto ciò
Una certezza sussiste: un giorno
Ci sarà un’altra cosa che il giorno.

BORIS VIAN

Published in: on febbraio 27, 2021 at 07:30  Lascia un commento  

C’è il sole nella strada

Y a du soleil dans la rue
J’aime le soleil mais j’aime pas la rue
Alors je reste chez moi
En attendant que le monde vienne
Avec ses tours dorées
Et ses cascades blanches
Avec ses voix de larmes
Et les chansons des gens qui sont gais
Ou qui sont payés pour chanter
Et le soir il vient un moment
Où la rue devient autre chose
Et disparaît sous le plumage
De la nuit pleine de peut-être
Et des rêves de ceux qui sont morts
Alors je descends dans la rue
Elle s’étend là-bas jusqu’à l’aube
Une fumée s’étire tout près
Et je marche au milieu de l’eau sèche
De l’eau rêche de la nuit fraîche
Le soleil reviendra bientôt.

§

C’è il sole nella strada
amo il sole ma non amo la strada
allora rimango in casa
Ad aspettare che il mondo venga
Con le sue torri dorate
E le sue cascate bianche
Con le sue voci di lacrime
E le canzoni della gente che è allegra
O che è pagata per cantare
E la sera arriva nell’istante
In cui la strada diventa un’altra cosa
E scompare sotto le piume
Della notte piena di interrogativi
E dei sogni di coloro che sono morti
Allora scendo in strada
Essa si stende laggiù fino all’alba
Una nebbia si spande intorno
Ed io cammino in mezzo all’acqua prosciugata
All’acqua acre della notte fresca
Il sole tornerà fra poco.

BORIS VIAN

Published in: on novembre 1, 2020 at 07:04  Lascia un commento  

Se i poeti fossero meno stupidi

SI LES POÈTES ÉTAIENT MOINS BÊTES

 

Si les poètes étaient moins bêtes

Et s’ils étaient moins paresseux

Ils rendraient tout le monde heureux

Pour pouvoir s’occuper en paix

De leurs souffrances littéraires

Ils construiraient des maisons jaunes

Avec des grands jardins devant

Et des arbres pleins de zoizeaux

Des mirliflûtes et des lizeaux

Des mésongres et des feuvertes

Des plumuches, des picassiettes

Et des petits corbeaux tout rouges

Qui diraient la bonne aventure

Il y aurait de grands jets d’eau

Avec des lumières dedans

Il y aurait deux cents poissons

Depuis le crousque au ramusson

De la libelle au pépamule

De l’orphie au rara curule

Et de l’avoile au canisson

Il y aurait de l’air tout neuf

Parfumé de l’odeur des feuilles

On mangerait quand on voudrait

Et l’on travaillerait sans hâte

À construire des escaliers

Des formes encor jamais vues

Avec des bois veinés de mauve

Lisses comme elle sous les doigts

Mais les poètes sont très bêtes

Ils écrivent pour commencer

Au lieu de s’mettre à travailler

Et ça leur donne des remords

Qu’ils conservent jusqu’à la mort

Ravis d’avoir tellement souffert

On leur donne des grands discours

Et on les oublie en un jour

Mais s’ils étaient moins paresseux

On ne les oublierait qu’en deux.

§

Se i poeti fossero meno stupidi
Se fossero meno pigri
Renderebbero tutti felici
Per poter occuparsi in pace
Delle loro sofferenze letterarie
Costruirebbero delle case gialle
Con grandi giardini davanti
E alberi pieni di uccelli

Di zufoletti e di grandi gigli
Di cinciatristi e di capinere-allegre
Di pennacchi, di sbafatori
E di piccoli corvi rossi
Che direbbero la buona ventura
Ci sarebbero dei grandi stagni
Con luci all’interno
Ci sarebbero duecento pesci
Dai crostacei al topo d’acqua
Dalla piccola moneta al «pépamule»
Dall’aguglia al passero-scranno
Dalla navicella all’asinello
Ci sarebbe aria nuova
Profumata dall’odore delle foglie
Si mangerebbe secondo l’estro
E si lavorerebbe senza fretta
A costruire scale
Di forme non ancora viste
Con legni venati di malva
Lisci come lei sotto le dita
Ma i poeti sono molto stupidi
Essi scrivono per cominciare
Invece di mettersi a lavorare
E ciò dà loro dei rimorsi
Che essi conservano fIno alla morte
Felici di aver così sofferto
Si compensano con delle orazioni
E li si dimentica in un giorno
Ma se fossero meno pigri
Verrebbero dimenticati in due.

BORIS VIAN

Published in: on settembre 12, 2019 at 06:51  Lascia un commento  

Morirò di cancro alla colonna vertebrale

JE MOURRAI D’UN CANCER DE LA COLONNE VERTEBRALE

Je mourrai d’un cancer de la colonne vertébrale
Ça sera par un soir horrible
Clair, chaud, parfumé, sensuel
Je mourrai d’un pourrissement
De certaines cellules peu connues
Je mourrai d’une jambe arrachée
Par un rat géant jailli d’un trou géant
Je mourrai de cent coupures
Le ciel sera tombé sur moi
Ça se brise comme une vitre lourde
Je mourrai d’un éclat de voix
Crevant mes oreilles
Je mourrai de blessures sourdes
Infligées à deux heures du matin
Par des tueurs indécis et chauves
Je mourrai sans m’apercevoir
Que je meurs, je mourrai
Enseveli sous les ruines sèches
De mille mètres de coton écroulé
Je mourrai noyé dans l’huile de vidange
Foulé aux pieds par des bêtes indifférentes
Et, juste après, par des bêtes différentes
Je mourrai nu, ou vêtu de toile rouge
Ou cousu dans un sac avec des lames de rasoir
Je mourrai peut-être sans m’en faire
Du vernis à ongles aux doigts de pied
Et des larmes plein les mains
Je mourrai quand on décollera
Mes paupières sous un soleil enragé
Quand on me dira lentement
Des méchancetés à l’oreille
Je mourrai de voir torturer des enfants
Et des hommes étonnés et blêmes
Je mourrai rongé vivant
Par des vers, je mourrai les
Mains attachées sous une cascade
Je mourrai brûlé dans un incendie triste
Je mourrai un peu, beaucoup,
Sans passion, mais avec intérêt
Et puis quand tout sera fini
Je mourrai.

§

Morirò di cancro alla colonna vertebrale
accadrà una sera orribile
chiara, calda, profumata, sensuale,
morirò della putrefazione
di certe cellule poco conosciute
morirò per una gamba amputata.
Da un topo gigante sbucato da una fogna gigante.
Morirò di cento tagli
il cielo mi sarà caduto addosso
fracassandosi come una vetrata pesante
che farà scoppiare le mie orecchie
Morirò di ferite segrete
inflitte alle due del mattino
da assassini vaghi e calvi
Morirò senza accorgermi di morire,
morirò sepolto sotto le rovine secche
di mille metri di cotone sprofondato
morirò annegato nell’olio di spurgo
calpestato da bestie indifferenti
e subito dopo, da bestie differenti
morirò nudo, o vestito di tela rossa
o cucito in un sacco con delle lame di rasoio
Morirò forse senza preoccuparmi
di verniciare le unghie delle dita dei piedi
e di lacrime piene le mani
Morirò quando scolleranno
le mie palpebre sotto il sole arrabbiato
quando mi diranno lentamente
delle cattiverie all’orecchio
Morirò nel vedere torturare bambini
e uomini sbigottiti e lividi
Morirò mangiato vivo
dai vermi, morirò
con le mani attaccate sotto una cascata
Morirò bruciato in un incendio triste
morirò un poco, molto,
senza passione, ma con interesse
e  poi quando tutto sarà finito
morirò.

BORIS VIAN

Published in: on gennaio 2, 2019 at 07:22  Lascia un commento  

Perchè vivo

POURQUOI QUE JE VIS

Pourquoi que je vis
Pourquoi que je vis
Pour la jambe jaune
D’une femme blonde
Appuyée au mur
Sous le plein soleil
Pour la voile ronde
D’un pointu du port
Pour l’ombre des stores
Le café glacé
Qu’on boit dans un tube
Pour toucher le sable
Voir le fond de l’eau
Qui devient si bleu
Qui descend si bas
Avec les poissons
Les calmes poissons
Ils paissent le fond
Volent au-dessus
Des algues cheveux
Comme zoizeaux lents
Comme zoizeaux bleus
Pourquoi que je vis
Parce que c’est joli

§

Perché vivo
Perché vivo
Per la gamba gialla
D’una donna bionda
Appoggiata al muro
In pieno sole
Per la vela gonfia
Di un battello del porto
Per l’ombra delle tende
Il caffè ghiacciato
Che si beve con la cannuccia
Per toccare la sabbia
Vedere il fondo dell’acqua
Che diventa così azzurro
Che discende tanto in basso
Con i pesci
I calmi pesci
Pascolanti sul fondo
Che si librano sopra
I capelli delle alghe
Come uccelli lenti
Come uccelli azzurri
Perché vivo
Perché è bello.

BORIS VIAN

Published in: on aprile 10, 2016 at 07:02  Lascia un commento  

Distruggono il mondo

ILS CASSENT LE MOND

Ils cassent le monde
En petits morceaux
Ils cassent le monde
A coups de marteau
Mais ça m’est égal
Ca m’est bien égal
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j’aime
Une plume bleue
Un chemin de sable
Un oiseau peureux
Il suffit que j’aime
Un brin d’herbe mince
Une goutte de rosée
Un grillon de bois
Ils peuvent casser le monde
En petits morceaux
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
J’aurai toujours un peu d’air
Un petit filet de vie
Dans l’oeil un peu de lumière
Et le vent dans les orties

Et même,
même s’ils me mettent en prison
Il en reste assez pour moi,
il en reste assez
Il suffit que j’aime
Cette pierre corrodée
Ces crochets de fer
où s’attarde un peu de sang
Je l’aime je l’aime
La planche usée de mon lit
La paillasse, le châlit
La poussière de soleil
J’aime ce judas qui s’ouvre
Ces hommes qui sont entrés
Qui s’avancent, qui m’emmènent
Retrouver la vie du monde
Retrouver la couleur
J’aime ces deux longs montants

Ce couteau triangulaire
Ces messieurs vêtus de noir
C’est ma fête, je suis fier
Je l’aime, je l’aime
Ce panier rempli de son
Où je vais poser ma tête
Oh je l’aime, je l’aime
Je l’aime pour de bon

Il suffit que j’aime
Un brin d’herbe bleue
Une goutte de rosée
Un amour d’oiseau peureux
Ils cassent le monde
Avec leurs marteaux pesants
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez, mon coeur

§

Distruggono il mondo
in pezzettini
distruggono il mondo
a colpi di martello
ma è lo stesso per me
è proprio lo stesso
ne resta abbastanza per me
ne resta abbastanza
basta che io ami
una piuma azzurra
un sentiero di sabbia
un uccellino pauroso
basta che ami
un filo d’erba sottile
una goccia di rugiada
un grillo di bosco
massì possono distruggere il mondo
in pezzettini
ne resta abbastanza per me
ne resta abbastanza
avrò sempre un po’ d’aria
un filino di vita
nell’occhio un barbaglio di luce
e il vento tra le ortiche
e anche e anche
se mi sbattono in prigione
ne resta abbastanza per me
ne resta abbastanza
basta che io ami
questa pietra corrosa
questi ganci di ferro
dove spiccia un filo di sangue
io l’amo io l’amo
la superficie consumata del mio letto
il saccone e la lettiera
la polvere del sole
amo lo spioncino che s’apre
gli uomini che sono entrati
che avanzano che mi trascinano via
ritrovare la via del mondo
e ritrovare il colore
amo questi due lunghi travi
questa lama triangolare
questi signori vestiti di nero
mi fanno la festa e ne sono fiero
io l’amo io l’amo
questo paniere riempito di suoni
dove metterò a posto la testa
oh io l’amo per davvero
basta che io ami
un breve filo d’erba azzurra
una goccia di rugiada
un amore d’uccellino pauroso
distruggono il mondo
con i loro martelli pesanti
ne resta abbastanza per me
ne resta abbastanza cuor mio.

BORIS VIAN

Published in: on dicembre 27, 2012 at 07:08  Comments (2)