Prima serata

PREMIÈRE SOIRÉE

Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.

– Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche ou rosier.

– Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.

Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu en finir ! »
– La première audace permise,
Le rire feignait de punir !

– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
– Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !

Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
– Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…

– Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

§

Ella era ben poco vestita
E degli alberi grandi e indiscreti
Flettevano i rami sui vetri
Con malizia, vicino, vicino…
Seduta sul mio seggiolone,
Seminuda, giungeva le mani.
Al suolo fremevano lieti
i suoi piccolissimi piedi.
Io guardavo, colore di cera,
un piccolo raggio di luce
sfarfallare nel suo sorriso
e sul suo seno, mosca al rosaio.
Le baciai le caviglie sottili.
Ebbe un ridere dolce e brutale
Che si sciolse in un limpido trillo,
Un ridere grazioso di cristallo.
I suoi piedini sotto la camicia
Si salvarono: “Beh, vuoi finirla?”.
La prima audacia era stata permessa,
Ma ridendo fingeva di punirla!
Baciai, palpitanti al mio labbro,
I suoi timidissimi occhi;
Lei ritrasse la sua testolina
Esclamando: «Ma questo è ancor meglio!
Signore, ho qualcosa da dirvi»
Tutto il resto gettai sul suo seno
In un bacio, del quale ella rise
D’un riso che fu generoso
Ella era ben poco vestita
E degli alberi grandi e indiscreti
Flettevano i rami sui vetri
Con malizia, vicino, vicino.

ARTHUR RIMBAUD

Published in: on giugno 18, 2021 at 07:06  Lascia un commento  

Barbaro

BARBARE

Bien après les jours et les saisons, et les etres et les
pays,
Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers
et des fleurs arctiques; (elles n’existent pas.)
Remis des vieilles fan:fares d’hérolsme – qui nous attaquent
encore le çreur et la tete – lo in des anciens
assassins –
Oh! Le pavillon en viande saignante sur la soie des
mers et des fleurs arctiques; (elles n’existent pas.)
Douceurs!
Les brasiers, pleuvant aux rafales de givre,
Douceurs! -les feux à la pluie du vent de diamants jetée
par le creur terrestre éternellement carbonisé pour
nous. – O monde!
(Loin desvieilles retraites et des vieilles flammes,
qu’on el’ltend, qu’on sent,)
Les brasiers et les écumes. La musique, virement des
gouffres et choc des glacons aux astres.
O Douceurs, o monde, o musique! Et là, les formes,
les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes
blanches, bouillantes, – o douceurs! -et la voix féminine
arrivée aù fond des volcans et des grottes arctiques. 
Le pavillon…

§

Molto tempo dopo i giorni e le stagioni, e gli esseri e
i paesi,
La bandiera di carne sanguinolenta sulla seta dei mari
e dei fiori artici; (non esistono.)
Ristabiliti dalle vecchie fanfare d’eroismo – che ci
attaccano ancora il cuore e la testa – lontano dagli antichi
assassini –
Oh! La bandiera di carne sanguinolenta sulla seta
dei mari e dei fiori artici; (non esistono.)
Dolcezze!
I bracieri, che piovono sotto le raffiche di brina,
Dolcezze! – i fuochi sotto la pioggia del vento di diamanti
gettata dal cuore terrestre eternamente carbonizzato per noi.
O mondo!
(Lontano dai vecchi romitaggi e dalle vecchie
fiamme che odi, che senti,)
I bracieri e le schiume. La musica, virare di baratri e
cozzo di ghiacci ed’ astri.
O Dolcezze, o mondo, o musica! E là, le forme, i sudori,
le capigliature e gli occhi, galleggianti. E le lacrime bianche,
cocenti, -o dolcezze! – e la voce femminile
giunta in fondo ai vulcani e alle grotte artiche.
La bandiera…

ARTHUR RIMBAUD

Published in: on marzo 7, 2021 at 07:19  Lascia un commento  

Musica in piazza

A LA MUSIQUE

Place de la Gare, à Charleville.

Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

– L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînant leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent :  » En somme !… « 

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde – vous savez, c’est de la contrebande ; –

Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…

– Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.

J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
– Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
– Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…

§

Piazza della stazione, a Charleville
Sulla piazza a scomparti di praticelli stenti,
Dove tutto, alberi e fiori, è castigato,
Gli asmatici borghesi strangolati dal caldo
Portano, il giovedl sera, imbecillità invidiose.

La banda militare, nel mezzo del giardino,
Oscilla i chepì nel Valzer dei pifferi:
Intorno, in prima fila, fa sfoggio il damerino;
Penzola il notaio dai ciondoli cifrati:

Benestanti in monocolo censurano le stecche:
Burocrati adiposi trascinano spose obese
Seguite da altre, cornàc ufficiose
Quelle coni falpalà che sembrano una réclame;

Sulle panchine verdi, i droghieri in pensione
Rinfocolano sabbia con il bastone a pomo,
E molto seriamente impugnano i trattati; poi
Tabaccano dall’argento, e riattaccano: «Insomma!…» ;

Estasiando sulla panca i fianchi rotondi,
Bottoni chiari e pancia fiamminga, un borghese
Si bea della pipa, da cuii traboccano fili
Di trinciato -già si sa, di contrabbando;

Lungo le verdi erbette ridacchiano i bull;
Col cuore intenerito dal canto dei tromboni,
Fumando rose, ingenui, i soldatini
Fan festa al pupo per irretir la serva…

Io, sbrendolone come uno studente, sotto
Gli ippocastani verdi, seguo le ragazze:
Lo sanno benissimo e volgono ridendo,
Dalla mia parte, gli occhi pieni di cose indiscrete.

Non dico sillaba: guardo intento la pelle
Di quelle nuche bianche ricamate di riccioli:
Sotto la blusa e i leggeri fronzoli, seguo
il tergo divino dopo la curva dell’ omero.

Ho scovato ben presto lo stivaletto, la calza…
Arso da bella febbre, ricostruisco i corpi.
Loro mi trovano buffo, parlottano insieme…
E io sento baci salirmi alle labbra…

ARTHUR RIMBAUD

Published in: on gennaio 23, 2021 at 07:27  Lascia un commento  

Testa di fauno

TÊTE DE FAUNE

Dans la feuillée, écrin vert taché d’or,
Dans la feuillée incertaine et fleurie
De fleurs splendides où le baiser dort,
Vif et crevant l’exquise broderie,

Un faune effaré montre ses deux yeux
Et mord les fleurs rouges de ses dents blanches
Brunie et sanglante ainsi qu’un vin vieux
Sa lèvre éclate en rires sous les branches.

Et quand il a fui- tel qu’un écureuil-
Son rire tremble encore à chaque feuille
Et l’on voit épeuré par un bouvreuil
Le Baiser d’or du bois, qui se recueille.

§

Nel fogliame, scrigno verde macchiato d’oro,
nel fogliame incerto e fiorente
di fiori splendidi dove il bacio dorme,
vivace e squarciando lo squisito ricamo,
un fauno spaventato mostra i suoi due occhi
e morde i fiori rossi con i suoi denti bianchi.

Bruno e sanguinante come un vino vecchio,
il suo labbro scoppia in risa sotto i rami.
E quando è fuggito come uno scoiattolo
il suo riso trema ancora in ogni foglia,
e si vede impaurito da un ciuffolotto
il Bacio d’oro del Bosco, che si raccoglie.

ARTHUR RIMBAUD

Published in: on marzo 23, 2020 at 07:08  Lascia un commento  

Metropolitano

MÉTROPOLITAIN

Du détroit d’Indigo aux mers d’Ossian, sur le sable rose
et orange qu’a lavé le ciel vineux, viennent de monter et de se
croiser des boulevards de cristal habités incontinent par de
jeunes familles pauvres qui s’alimentent chez les fruitiers.
Rien de riche. — La ville.

Du désert de bitume fuient droit, en déroute avec les
nappes de brumes échelonnées en bandes affreuses au ciel
qui se recourbe, se recule et descend formé de la plus sinistre
fumée noire que puisse faire l’Océan en deuil, les casques, les
roues, les barques, les croupes. — La bataille !

Lève la tête : ce pont de bois, arqué ; ces derniers potagers;
ces masques enluminés sous la lanterne fouettée par la
nuit froide ; l’ombre niaise à la robe bruyante, au bas de la
rivière ; ces crânes lumineux dans les plants de pois, — et les
autres fantasmagories. — La campagne.

Ces routes bordées de grilles et de murs, contenant à
peine leurs bosquets, et les atroces fleurs qu’on appellerait
coeurs et soeurs, damas damnant de langueur, — possession
de féeriques aristocraties ultra-rhénanes, Japonaises, Guaranies,

propres encore à recevoir la musique des anciens — et il
y a des auberges qui, pour toujours, n’ouvrent déjà plus ; — il
y a des princesses, et si tu n’es pas trop accablé, l’étude des
astres. — Le ciel.

Le matin où, avec Elle, vous vous débattîtes parmi ces
éclats de neige, ces lèvres vertes, ces glaces, ces drapeaux
noirs et ces rayons bleus, et ces parfums pourpres du soleil
des pôles. — Ta force.

§

Dallo stretto d’indaco ai mari di Ossian, sulla sabbia rosa

e arancio lavata dal cielo vinoso, ecco che salgono

intersecano viali di cristallo abitati immantinente

giovani famiglie povere che si alimentano dai fruttidoli.

Nulla di ricco. – La città!

Dal deserto di bitume scappano via in disordine assieme

ai banchi di brume scaglionati in strisce orribili nel cielo

che s’incurva, indietreggia e scende, formato più sinistro

fumo nero che possa fare l’Oceano a lutto gli elmi,

le ruote, le barche, le groppe. – La battaglia!

Alza la testa: quel ponte di legno, ad arco; gli ultimi orti di Samaria;

quelle maschere miniate sotto la lanterna sferzata

dalla notte fredda; l’ondina sempliciotta la veste frusciante,

più giù, lungo il fiume; quei crani luminosi nei coltivi di piselli

– e le altre fantasmagorie – la campagna.

Strade fiancheggiate da cancellate e da muri, che a malapena

contengono i loro boschetti, e i fiori atroci che quasi chiameremmo

cuori e suore, damasco dannante di languore, possedimenti

di fantasmagoriche aristocrazie ultrarenane, giapponesi, guarani,

ancora atte ad accogliere la musica degli antichi

-e vi sono locande che per sempre non si aprono ormai più –

vi sono principesse, e, se non sei troppo prostrato,

lo studio degli astri -il cielo.

La mattina in cui assieme a Lei, vi dibatteste

tra i fulgori della neve, quelle labbra verdi, i ghiacci, le bandiere nere

e i raggi azzurri, e i profumi purpurei del sole

dei poli, – la tua forza.

 

ARTHUR RIMBAUD

Published in: on settembre 4, 2019 at 07:09  Lascia un commento  

Operai

OUVRIERS

Ô cette chaude matinée de février.
Le Sud inopportun vint relever nos souvenirs
d’indigents absurdes, notre jeune misère.
Henrika avait une jupe de coton à carreau blanc et brun,
qui a dû être portée au siècle dernier, un bonnet à rubans, et un foulard de soie.
C’était bien plus triste qu’un deuil.
Nous faisions un tour dans la banlieue.
Le temps était couvert,
et ce vent du Sud excitait toutes les vilaines odeurs des jardins
 ravagés et des prés desséchés.
Cela ne devait pas fatiguer ma femme au même point que moi.
Dans une flache laissée par l’inondation du
mois précédent à un sentier assez haut
elle me fit remarquer de très petits poissons.
La ville, avec sa fumée et ses bruits de métiers,
nous suivait très loin dans les chemins.
Ô l’autre monde, l’habitation bénie par le ciel et les ombrages !
Le sud me rappelait les misérables incidents de mon enfance,
mes désespoirs d’été, l’horrible quantité de force et de science
que le sort a toujours éloignée de moi.
Non ! nous ne passerons pas l’été dans cet avare pays
où nous ne serons jamais que des orphelins fiancés.
Je veux que ce bras durci ne traîne plus une chère image.
.
§
.
O quella calda mattina di febbraio! Il Sud inopportuno venne a
riportare a galla i nostri ricordi d’indigenti assurdi,
la nostra giovine miseria.
Henrika aveva una gonna di cotone a quadretti
bianchi e bruni, che dovette esser portata nel secolo
scorso, una cuffia a nastri e un fazzoletto di seta. Ciò
era assai più triste d’un lutto.
Facevamo un giro alla
periferia della città. Il tempo era coperto, e quel vento
del Sud eccitava tutti i cattivi odori dei giardini
devastati e dei prati disseccati.
Ciò non doveva stancare la mia donna quanto me.
In una pozzanghera lasciata dall’inondazione dei
mesi precedenti in un sentiero alquanto alto, ella mi
fece notare dei piccolissimi pesci.
La città, col suo fumo e i suoi rumori di mestieri, ci
seguiva lontanissimo nei sentieri. O l’altro mondo,
l’abitazione benedetta dal cielo, e le ombre! Il Sud mi
ricordava i miserabili incidenti della mia infanzia, le
mie disperazioni d’estate, l’orribile quantità di forza e
di scienza che la sorte ha sempre allontanato da me.
No! Non passeremo l’estate in questo avaro paese,
dove non saremo mai altro che orfani fidanzati.
Voglio che questo braccio indurito più non trascini
una cara immagine.
.
ARTHUR RIMBAUD
Published in: on gennaio 24, 2019 at 07:14  Lascia un commento  

Vocali

VOYELLES

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges ;
– O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

§

A nera, E bianca, I rossa, U verde, O blu: vocali,
io dirò un giorno le vostre segrete origini:
A nero, corsetto villoso delle mosche lucenti
che ronzano intorno a crudeli fetori,

golfi d’ombra; E, candori di vapori e di tende,
lance di fieri ghiacciai, bianchi re, brividi d’umbelle;
I, porpora, sputo di sangue, riso di belle labbra
nella collera o nelle ebrezze penitenti;

U, cicli, fremiti divini di mari verdi,
pace dei pascoli disseminati di animali, pace delle rughe
che l’alchimia scava nelle ampie fronti studiose;

O, Tromba suprema piena di stridori strani,
silenzi solcati dai Pianeti e dagli Angeli:
– O l’Omega e il raggio violetto dei Suoi Occhi!

ARTHUR RIMBAUD

Published in: on giugno 26, 2018 at 06:54  Comments (1)  

Romanza

ROMAN

I

On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
– Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
– On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits – la ville n’est pas loin –
A des parfums de vigne et des parfums de bière…

II

– Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! – On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête…
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête…

III

Le coeur fou robinsonne à travers les romans,
– Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux col effrayant de son père…

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif…
– Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…

IV

Vous êtes amoureux. Loué jusqu’au mois d’août.
Vous êtes amoureux. – Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
– Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire !…

– Ce soir-là…, – vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
– On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.

 

§

I
Nessuno è molto serio quand’ha diciassett’anni.
I caffè strepitanti dalle luci splendenti,
Le bibite e la birra d’improvviso t’annoiano,
E allora vai a spasso per il viale dei tigli.
Come profuma il tiglio nelle sere di giugno!
Talvolta l’aria è dolce da farti chiuder gli occhi;
Il vento porta suoni – le case son vicine –
Porta odori dì vigna ed odori di birra…

II
Ecco, si scorge in alto un brevissimo sprazzo
D’azzurro cupo chiuso nel contorno di ‘un ramo,
E, dentro, il punto acuto di una stella cattiva
Che, piccola e bianchissima, si scioglie con un brivido…
Diciassett’anni! nella notte estiva m’inebrio.
La linfa è come un vino che ti sale alla testa…
lo vaneggio e mi sento un bacio sulle labbra
Palpitare in silenzio come una bestiolina …

III
Robinson romanzesco, il mio cuore è in subbuglio.
Ecco che nel chiarore d’un pallido lampione
Passa una signorìna dall’aria deliziosa,
All’ombra spaventosa del colletto paterno
E siccome ti trova immensamente ingenuo,
Trotterellando rapida con quei suoi stivaletti
Rivolge il capo, svelta, con uno sguardo accorto…
Allora ti si spegne la cavatina di labbro…

IV
Sei dunque innamorato (fino al mese d’agosto).
Sei dunque innamorato. – I versi la fan ridere.
Gli amici ti abbandonano perché manchi di gusto.
Ma un giorno l’adorata si è degnata di scriverti! …
– Ma quella sera… torni nei caffè luminosi,
Di nuovo ordini birra oppure limonata…
Nessuno è molto serio quand’ha diciassett’anni,
E quando sono verdi i tigli del passeggio.

ARTHUR RIMBAUD

Published in: on marzo 11, 2018 at 07:10  Lascia un commento  

Fame

FAIM

Si j’ai du goût, ce n’est guère
Que pour la terre et les pierres.
Je déjeune toujours d’air,
De roc, de charbons, de fer.

Mes faims, tournez. Paissez, faims,
Le pré des sons.
Attirez le gai venin
Des liserons.

Mangez les cailloux qu’on brise,
Les vieilles pierres d’églises;
Les galets des vieux déluges,
Pains semés dans les vallées grises.

∗∗∗

Le loup criait sous les feuilles
En crachant les belles plumes
De son repas de volailles:
Comme lui je me consume.

Les salades, les fruits
N’attendent que la cueillette;
Mais l’araignée de la haie
Ne mange que des violettes.

Que je dorme! que je bouille
Aux autels de Salomon.
Le bouillon court sur la rouille,
Et se mêle au Cédron.

 

§

Se ho fame, è solo
di terra e di pietre.
Mi nutro sempre d’aria,
di roccia, di ferro, di carbone.

Fami mie, danzate. Pascolate, fami,
sul prato dei suoni.
Succhiate il gaio veleno
dei convolvoli.

Mangiate i sassi spaccati,
le vecchie pietre di chiese;
i ciottoli degli antichi diluvi,
pani sparsi nelle vallate grigie.

∗∗∗

Il lupo ululava tra le foglie
sputando le belle piume
del suo pasto di pollame:
come lui io mi consumo.

L’insalata, la frutta
aspettano solo d’esser colte;
ma il ragno della siepe
non mangia che violette.

Ah! dormire, bollire
sugli altari di Salomone.
Il brodo corre sulla ruggine,
e si mescola col Cedron.

ARTHUR RIMBAUD

Published in: on dicembre 10, 2016 at 07:07  Lascia un commento  

Bandiere di maggio

BANNIÈRES DE MAI

Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s’enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange.
L’azur et l’onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.

Qu’on patiente et qu’on s’ennuie
C’est trop simple. Fi de mes peines.
je veux que l’été dramatique
Me lie à son char de fortunes
Que par toi beaucoup, ô Nature,
– Ah moins seul et moins nul ! – je meure.
Au lieu que les Bergers, c’est drôle,
Meurent à peu près par le monde.

Je veux bien que les saisons m’usent.
A toi, Nature, je me rends ;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s’il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m’illusionne ;
C’est rire aux parents, qu’au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien;
Et libre soit cette infortune.

§

Ai chiari rameggi dei tigli
Muore un estenuato hallalì.
Pure, spiritose canzoni
Volteggiano tra l’uva spina.
Che rida nelle vene il nostro sangue,
Ecco di sè fare intrico le vigne:
Leggiadro cielo come un angelo.
Si toccano l’onda e l’azzurro.
Esco. Se mi penetra un raggio,
Mi lascerò cadere sopra il muschio.

Aver pazienza o provar tedio

E’ semplice, troppo. Via via, mie pene.
Voglio che l’estate drammatica
Al carro suo mi avvinca di fortuna.
Che molto per tuo tramite, Natura,
– Oh, meno solo e annichilito! – muoia.
Al contrario i Pastori, è strano,
Muoiono pressapoco per il mondo.

M’usino pure le stagioni.
A te, Natura, m’abbandono;
Con la mia fame e con la sete tutta.
Tu dammi, ti prego, acqua e nutrimento.
Niente di niente ormai m’illude;

Ridere al sole è un pò ridere ai tuoi,
Ed io non voglio più ridere a nulla;
Dunque, libera sia questa sventura.
.
ARTHUR RIMBAUD
Published in: on gennaio 24, 2016 at 07:21  Comments (1)