Amor mio non dire niente

MON AMOUR NE DIS RIEN

Mon amour ne dis rien laisse tomber ces deux mots-là dans le silence
Comme une pierre longtemps polie entre les paumes de mes mains
Une pierre prompte et pesante une pierre
Profonde par sa chute à travers notre vie
Ce long cheminement qu’elle fait à ne rien rencontrer que l’abîme
Cet interminable chemin sans bruit que la durée
Et de n’entendre aucune eau lointaine il naît une espèce d’effroi
Aucune surface frappée aucun rebondissement de parois
Rien l’univers n’est plus qu’attendre et j’ai pris ta main
Nul écho cela tombe et j’ai beau tendre l’oreille
Rien pas même un soupir une pâme de son
Plus elle tombe et plus elle traverse les ténèbres
Plus le vertige croît plus rapide est sa nuit
Rien que le poids précipité l’imperceptible
Chant perdu
La merveille échappée emportée et heurtée
Déjà peut-être Ou non Non pas encore amour
Rien que l’insupportable délai sans mesure
À l’écrasement sûr atrocement remis

Une pierre ou un cœur une chose parfaite
Une chose achevée et vivante pourtant
Et plus cela s’éloigne et moins c’est une pierre
Ô puits inverse où la proie après l’ombre pique vers l’oiseau
Une pierre pourtant comme toutes les pierres
Au bout du compte qui se lasse de tout et finit par n’être qu’un tombeau

Écoute écoute Il semble à la margelle
Remonter non le cri le heurt ou la brisure
Mais vague et tournoyante incertaine apeurée
Une lueur des fonds pâle et pure
Pareille aux apparitions dans les récits d’enfance
Une couleur de nous-mêmes peut-être pour la dernière fois

Et c’est comme si tout ce qui fut soudain tout ce qui peut encore être
Venait de trouver explication parce que quelqu’un
Qu’on n’avait pas vu entrer a relevé le rideau de la fenêtre

Et la pierre là-bas continue à profondeur d’étoile

Je sais maintenant pourquoi je suis né au monde
On racontera mon histoire un jour et ses mille péripéties
Mais tout cela n’est qu’agitation trompe-l’œil guirlandes pour un soir dans une maison de pauvres
Je sais maintenant pourquoi je suis né

Et la pierre descend parmi les nébuleuses
Où est le haut où est le bas dans ce ciel inférieur

Tout ce que j’ai dit tout ce que j’ai fait ce que j’ai paru être
Feuillage feuillage qui meurt et ne laisse à l’arbre que le geste nu de ses bras
Voilà devant moi la grande vérité de l’hiver
Tout homme a le destin de l’étincelle Tout homme n’est
Qu’une éphémère et que suis-je de plus que tout homme
Mon orgueil est d’avoir aimé

Rien d’autre

Et la pierre s’enfonce sans fin dans la poussière des planètes
Je ne suis qu’un peu de vin renversé mais le vin
Témoigne de l’ivresse au petit matin blême

Rien d’autre

J’étais né pour ces mots que j’ai dits

Mon amour

§

Amor mio non dire niente lascia cadere queste due
parole nel silenzio
Come una pietra a lungo lisciata fra i palmi delle mie
mani
Una pietra veloce e pesante una pietra
Che cada nel profondo della nostra vita
Questo lungo percorso che ha fatto per trovare
soltanto l’abisso
Questo interminabile tragitto senza altro rumore che
la durata
E dal non sentire nessun’acqua lontana nasce una
sorta di spavento
Nessuna superficie colpita nessun rimbalzo di pareti
Niente l’universo altro non è che attesa e ho preso la
tua mano
Nessuna eco essa cade e per quanto tenda l’orecchio
Niente nemmeno un sospiro una parvenza di suono
Più cade e più attraversa le tenebre
Più la vertigine cresce più ratta è la sua notte
Nient’altro che il peso precipite l’impercettibile
Canto perduto
La meraviglia fuggita via strappata e osteggiata
Forse già o no Non ancora amore
Soltanto l’intollerabile ritardo smisurato
Dal sicuro annientamento atrocemente rinviato

Una pietra o un cuore una cosa perfetta
Una cosa finita eppure viva ancora
Che più s’allontana e meno è pietra
Oh pozzo rovesciato dove la preda dall’ombra
sull’uccello s’avventa
Una pietra che pure è uguale a ogni altra
In fin dei conti che si stanca di tutto e finisce con
l’essere soltanto una tomba

Ascolta ascolta sembra che alla vera del pozzo
Risalga non il grido il cozzo o la rottura
Ma vago e vorticoso incerto spaurito
Un lucore di fondale pallido e puro

Simile ai fantasmi delle fole
Un sembiante di noi stessi forse per l’ultima volta

Ed è come se d’un tratto tutto ciò che fu e ancora
può essere
Avesse appena trovato spiegazione perché qualcuno
Che non s’era visto entrare ha sollevato la tenda alla
finestra

E la pietra laggiù continua a profondità di stella

Adesso so perché sono venuto al mondo
Racconteranno un giorno la mia storia e le sue mille
peripezie

Ma tutto è soltanto un vano agitarsi inganno ghirlande
di una sera in una casa di poveri
Adesso so per che cosa sono nato

E la pietra scende fra le nebulose
Dov’è l’alto dove il basso in questo cielo inferiore

Ciò che ho detto che ho fatto che sono sembrato
Fogliame fogliame che muore e lascia all’albero
soltanto il gesto nudo delle braccia
Ecco davanti a me la grande verità dell’inverno
Ogni uomo ha il destino della favilla Altro l’uomo
non è
Che un’efemera e cosa sono io più di ogni altro uomo
Il mio orgoglio è avere amato

Nient’altro

E la pietra all’infinito precipita nella polvere dei
pianeti
lo sono soltanto un po’ di vino rovesciato ma il vino
Testimonia l’ebbrezza nell’aria livida

Nient’altro

Ero nato per le parole che ho detto

Amor mio

LOUIS ARAGON

Published in: on Maggio 6, 2019 at 07:02  Comments (1)  

Io inventerò per te la rosa

J’INVENTERAI POUR TOI LA ROSE

Toutes les paroles du monde quand à la fois je te les aurai données
Toutes les forêts d’Amérique et toutes les moissons nocturnes du ciel
Quand je t’aurai donné ce qui brille et ce que l’œil ne peut pas voir
Tout le feu de la terre avec une coupe de larmes
La semence mâle des espèces diluviennes
Et la main d’un petit enfant
Quand je t’aurai donné le caléidoscope des douleurs
Le cœur en croix les membres roués
L’immense tapisserie des hommes martyrisés
Les écorchés vivants à l’étal suppliciaire
Le cimetière éventré des amours inconnues
Tout ce que charrient les eaux souterraines et les voies lactées
La grande étoile du plaisir dans l’infirme le plus misérable
Quand j’aurai peint pour toi ce vague paysage
Où les couples se font photographier dans les foires
Pleuré pour toi les vents chanté que mes cordes en cassent
La messe noire de l’Adoration perpétuelle
Maudit mon corps avec mon âme
Blasphémé l’avenir et banni le passé
Fait de tous les sanglots une boîte à musique
Que tu oublieras dans l’armoire
Quand il n’y aura plus de rossignols dans les arbres à force de les jeter à tes pieds
Quand il n’y aura plus assez de métaphores dans une tête folle pour t’en faire un presse-papiers
Quand tu seras lassée à mourir du culte monstrueux que je te voue
Que je n’aurai plus ni voix ni ventre ni visage et les pieds et les mains sans place pour les clous
Quand les verbes humains auront tous dans mes doigts brisé leur verre
Et que ma langue et mon encre seront sèches comme une station expérimentale pour les fusées interplanétaires
Et les mers n’auront plus laissé derrière elles que la blancheur aveuglante du sel
Si bien que le soleil ait soif et la lumière sur ce parquet de trémies oscille
Le schiste éteint le firmament amorphe et l’être à jamais épuisé de métamorphoses

§

Quando tutte insieme le parole del mondo ti avrò dato
Tutte le foreste d’America e tutte le messi notturne del cielo
Quando ti avrò dato ciò che brilla e ciò che l’occhio non può vedere
Tutto il fuoco della terra come una coppa di lacrime
Il seme maschile delle specie diluviane
E la mano di un bambino
Quando ti avrò dato il caleidoscopio dei dolori
Il cuore in croce le membra spezzate
L’arazzo immenso delle genti torturate
Gli scorticati vivi sul palco del supplizio
Il cimitero sventrato degli amori sconosciuti
Tutto ciò che trasportano le acque sotterranee e le vie lattee
La grande stella del piacere nell’infermo più miserabile
Quando ti avrò dipinto questo vago paesaggio
In cui le coppie si fanno fotografare alle fiere
Pianto i venti per te cantano fino a spezzarmi le corde
La messa nera dell’Adorazione perpetua
Maledetto il mio corpo e maledetta la mia anima
Bestemmiato l’avvenire e bandito il passato
Fatto di tutti i singhiozzi un carillon
Che dimenticherai nell’armadio
Quando non vi saranno più usignoli negli alberi a furia di lanciarli ai tuoi piedi
Quando non vi saranno più metafore in una mente folle per fartene un fermacarte
Quando sarai sfinita dal culto mostruoso che ti tributo
Quando non avrò più voce né ventre né volto e piedi e mani non avran più spazio per i chiodi
Quando tutti i verbi umani avranno infranto nelle mie dita il loro vetro
E la mia lingua e il mio inchiostro saranno inariditi come una stazione sperimentale per razzi interplanetari
E i mari non si saranno lasciati dietro che il candore accecante del sale
Così che il sole abbia sete e la luce oscilli su quel pavimento di cristallo
Lo scisto spento il firmamento amorfo e l’essere per sempre spossato dalle mutazioni

Io inventerò per te la rosa

LOUIS ARAGON

Published in: on dicembre 15, 2018 at 07:33  Lascia un commento  

Ti dirò un gran segreto

JE VAIS TE DIRE UN GRAND SECRET…

Je vais te dire un grand secret Le temps c’est toi
Le temps est femme Il a
Besoin qu’on le courtise et qu’on s’asseye
À ses pieds le temps comme une robe à défaire
Le temps comme une chevelure sans fin
Peignée
Un miroir que le souffle embue et désembue
Le temps c’est toi qui dors à l’aube où je m’éveille
C’est toi comme un couteau traversant mon gosier
Oh que ne puis-je dire ce tourment du temps qui ne passe point
Ce tourment du temps arrêté comme le sang dans les vaisseaux bleus
Et c’est bien pire que le désir interminablement non satisfait
Que cette soif de l’œil quand tu marches dans la pièce
Et je sais qu’il ne faut pas rompre l’enchantement
Bien pire que de te sentir étrangère
Fuyante
La tête ailleurs et le cœur dans un autre siècle déjà
Mon Dieu que les mots sont lourds Il s’agit bien de cela
Mon amour au-delà du plaisir mon amour hors de portée aujourd’hui de l’atteinte
Toi qui bats à ma tempe horloge
Et si tu ne respires pas j’étouffe
Et sur ma chair hésite et se pose ton pas

Je vais te dire un grand secret Toute parole
À ma lèvre est une pauvresse qui mendie
Une misère pour tes mains une chose qui noircit sous ton regard
Et c’est pourquoi je dis si souvent que je t’aime
Faute d’un cristal assez clair d’une phrase que tu mettrais à ton cou
Ne t’offense pas de mon parler vulgaire Il est
L’eau simple qui fait ce bruit désagréable dans le feu

Je vais te dire un grand secret Je ne sais pas
Parler du temps qui te ressemble
Je ne sais pas parler de toi je fais semblant
Comme ceux très longtemps sur le quai d’une gare
Qui agitent la main après que les trains sont partis
Et le poignet s’éteint du poids nouveau des larmes

Je vais te dire un grand secret J’ai peur de toi
Peur de ce qui t’accompagne au soir vers les fenêtres
Des gestes que tu fais des mots qu’on ne dit pas
J’ai peur du temps rapide et lent j’ai peur de toi
Je vais te dire un grand secret Ferme les portes
Il est plus facile de mourir que d’aimer
C’est pourquoi je me donne le mal de vivre
Mon amour

§

Ti dirò un gran segreto Tu sei il tempo
Il tempo è donna Ha
Bisogno d’esser corteggiato ha bisogno che ci si segga
Ai suoi piedi il tempo come una veste da sciogliere
Il tempo come una chioma senza fine
Pettinata
Uno specchio che il respiro appanna e spanna
Il tempo sei tu che dormi nell’alba in cui mi sveglio
Sei tu come un coltello che trafigga la mia gola
Oh non posso dire questo tormento del tempo che non passa
Questo tormento del tempo imprigionato come il sangue nelle vene azzurre
Ben peggiore del desiderio interminabilmente insoddisfatto
Di questa sete dell’occhio quando cammini nella stanza
E io capisco che non si deve rompere l’incantesimo
Ben peggiore del sentirti estranea
Sfuggente
La testa altrove e il cuore già in un altro secolo
Mio Dio come pesano le parole È proprio questo il punto
Amore mio oltre il piacere amore mio fuori di portata oggi fuori tiro
Tu che batti alla mia tempia orologio
Se tu non respiri sono io che soffoco
E sulla mia carne esita e si posa il tuo passo

Ti dirò un gran segreto Ogni parola
Sulle mie labbra è una mendica che chiede
Una miseria per le tue mani una cosa che s’oscura sotto il tuo sguardo
Ed è perché io dico così spesso che ti amo
Colpa di un cristallo troppo chiaro di una frase che porteresti al collo
Non t’offendere per le mie parole banali. È
L’acqua pura che fa questo brusio spiacevole sul fuoco

Ti dirò un gran segreto Io non so
Parlare del tempo che ti somiglia
Non so parlare di te fingo soltanto
Come quelli che da molto tempo sul marciapiede d’una stazione
Agitano la mano dopo che i treni sono partiti
E il polso cede sotto il peso nuovo delle lacrime

Ti dirò un gran segreto Ho paura di te
Paura di quel che t’accompagna la sera verso le finestre
Dei gesti che fai delle parole che non si dicono
Ho paura del tempo rapido e lento ho paura di te
Ti dirò un gran segreto Chiudi le porte
È più facile morire che amare
Per questo cerco di vivere
Amor mio

LOUIS ARAGON

Published in: on settembre 6, 2017 at 07:02  Comments (1)  

Tutte le parole del mondo

TOUTES LES PAROLES DU MONDE

Toutes les paroles du monde quand à la fois je te les aurai données
Toutes les forêts d’Amérique et toutes les moissons nocturnes du ciel
Quand je t’aurai donné ce qui brille et ce que l’œil ne peut pas voir
Tout le feu de la terre avec une coupe de larmes
La semence mâle des espèces diluviennes
Et la main d’un petit enfant
Quand je t’aurai donné le caléidoscope des douleurs
Le cœur en croix les membres roués
L’immense tapisserie des hommes martyrisés
Les écorchés vivants à l’étal suppliciaire
Le cimetière éventré des amours inconnues
Tout ce que charrient les eaux souterraines et les voies lactées
La grande étoile du plaisir dans l’infirme le plus misérable
Quand j’aurai peint pour toi ce vague paysage
Où les couples se font photographier dans les foires
Pleuré pour toi les vents chanté que mes cordes en cassent
La messe noire de l’Adoration perpétuelle
Maudit mon corps avec mon âme
Blasphémé l’avenir et banni le passé
Fait de tous les sanglots une boîte à musique
Que tu oublieras dans l’armoire
Quand il n’y aura plus de rossignols dans les arbres à force de les jeter à tes pieds
Quand il n’y aura plus assez de métaphores dans une tête folle pour t’en faire un presse-papiers
Quand tu seras lassée à mourir du culte monstrueux que je te voue
Que je n’aurai plus ni voix ni ventre ni visage et les pieds et les mains sans place pour les clous
Quand les verbes humains auront tous dans mes doigts brisé leur verre
Et que ma langue et mon encre seront sèches comme une station expérimentale pour les fusées interplanétaires
Et les mers n’auront plus laissé derrière elles que la blancheur aveuglante du sel
Si bien que le soleil ait soif et la lumière sur ce parquet de trémies oscille
Le schiste éteint le firmament amorphe et l’être à jamais épuisé de métamorphoses

J’inventerai pour toi la rose

§

Quando tutte insieme le parole del mondo ti avrò dato
Tutte le foreste d’America e tutte le messi notturne del cielo
Quando ti avrò dato ciò che brilla e ciò che l’occhio non può vedere
Tutto il fuoco della terra come una coppa di lacrime
Il seme maschile delle specie diluviane
E la mano di un bambino
Quando ti avrò dato il caleidoscopio dei dolori
Il cuore in croce le membra spezzate
L’arazzo immenso delle genti torturate
Gli scorticati vivi sul palco del supplizio
Il cimitero sventrato degli amori sconosciuti
Tutto ciò che trasportano le acque sotterranee e le vie lattee
La grande stella del piacere nell’infermo più miserabile
Quando ti avrò dipinto questo vago paesaggio
In cui le coppie si fanno fotografare alle fiere
Pianto i venti per te cantano fino a spezzarmi le corde
La messa nera dell’Adorazione perpetua
Maledetto il mio corpo e maledetta la mia anima
Bestemmiato l’avvenire e bandito il passato
Fatto di tutti i singhiozzi un carillon
Che dimenticherai nell’armadio
Quando non vi saranno più usignoli negli alberi a furia di lanciarli ai tuoi piedi
Quando non vi saranno più metafore in una mente folle per fartene un fermacarte
Quando sarai sfinita dal culto mostruoso che ti tributo
Quando non avrò più voce né ventre né volto e piedi e mani non avran più spazio per i chiodi
Quando tutti i verbi umani avranno infranto nelle mie dita il loro vetro
E la mia lingua e il mio inchiostro saranno inariditi come una stazione sperimentale per razzi interplanetari
E i mari non si saranno lasciati dietro che il candore accecante del sale
Così che il sole abbia sete e la luce oscilli su quel pavimento di cristallo
Lo scisto spento il firmamento amorfo e l’essere per sempre spossato dalle mutazioni

Io inventerò per te la rosa

LOUIS ARAGON

Published in: on Maggio 8, 2017 at 07:18  Comments (2)  

Sono l’eresiarca

JE SUIS L’HÉRÉSIARQUE

Je suis l’hérésiarque de toutes les églises
Je te préfère à tout ce qui vaut de vivre et de mourir
Je te porte l’encens des lieux saints et la chanson du forum
Vois mes genoux en sang de prier devant toi
Mes yeux crevés pour tout ce qui n’est pas ta flamme
Je suis sourd à toute plainte qui n’est pas de ta bouche
Je ne comprends des millions de morts que lorsque c’est toi qui gémis
C’est à tes pieds que j’ai mal de tous les cailloux des chemins
À tes bras déchirés par toutes les haies de ronces
Tous les fardeaux portés martyrisent tes épaules
Tout le malheur du monde est dans une seule de tes larmes
Je n’avais jamais souffert avant toi
Souffert est-ce qu’elle a souffert
La bête clamant une plaie
Comment pouvez-vous comparer au mal animal
Ce vitrail en mille morceaux où s’opère une mise en croix du jour
Tu m’as enseigné l’alphabet de douleur
Je sais maintenant lire les sanglots Ils sont tous faits de ton nom
De ton nom seul ton nom brisé ton nom de rose effeuillée
Ton nom le jardin de toute Passion
Ton nom que j’irais dans le feu de l’enfer écrire à la face du monde
Comme ces lettres mystérieuses à l’écriteau du Christ
Ton nom le cri de ma chair et la déchirure de mon âme
Ton nom pour qui je brûlerais tous les livres
Ton nom toute science au bout du désert humain
Ton nom qui est pour moi l’histoire des siècles
Le cantique des cantiques
Le verre d’eau dans la chaîne des forçats
Et tous les vocables ne sont qu’un champ de culs-de-bouteille à la porte d’une cité maudite
Quand ton nom chante à mes lèvres gercées
Ton nom seul et qu’on me coupe la langue
Ton nom
Toute musique à la minute de mourir

§

Sono l’eresiarca di tutte le chiese
Ti antepongo a tutto ciò per cui vale la pena di vivere e morire
Ti porto l’incenso dei luoghi santi e la canzone del foro
Guarda le mie ginocchia che sanguinano per il tanto pregare davanti a te
I miei occhi ciechi per tutto ciò che non è tua fiamma
Sono sordo a ogni pianto che non venga dalla tua bocca
Non capisco i milioni di morti se non quando sei tu che gemi
È per i tuoi piedi che provo dolore a ogni sasso dei viottoli
Per le tue braccia lacerate da tutti i cespugli di rovo
Tutti i fardelli che si portano straziano le tue spalle
Tutti i dolori del mondo sono racchiusi in una tua lacrima
Non avevo mai sofferto prima di te
Si può forse dire che soffra
La bestia che ferita lancia un grido
Come potete paragonare al male animale
Questa vetrata in mille pezzi dove si compie una crocifissione del giorno
Tu m’hai insegnato l’alfabeto del dolore
Io adesso so leggere i singhiozzi Sono fatti tutti del tuo nome
Del tuo nome soltanto il tuo nome spezzato il tuo nome di rosa sfogliata
Il tuo nome giardino di ogni Passione
Il tuo nome che andrò a scrivere nel fuoco dell’inferno alla faccia del mondo
Come quelle lettere misteriose sulla croce del Cristo
Il tuo nome grido della mia carne e strazio della mia anima
Il tuo nome per il quale brucerò tutti i libri
Il tuo nome onnisciente in fondo all’umano deserto
Il tuo nome che è per me la storia dei secoli
Il cantico dei cantici
Il bicchier d’acqua nella catena dei forzati
E tutti i vocaboli non sono che un campo di cocci di bottiglia alle porte di una città maledetta
Quando il tuo nome canta sulle mie labbra spaccate
Il tuo nome soltanto e mi taglino pure la lingua
Il tuo nome
Tutto musica nell’istante della morte

LOUIS ARAGON

Published in: on marzo 9, 2017 at 07:13  Comments (2)  

Le rose di Natale

Rose di Natale

LES ROSES DE NOËL

Quand nous étions le verre qu’on renverse
Dans l’averse un cerisier défleuri
Le pain rompu la terre sous la herse
Ou les noyés qui traversent Paris

Quand nous étions l’herbe jaune qu’on foule
Le blé qu’on pille et le volet qui bat
Le chant tari le sanglot dans la foule
Quand nous étions le cheval qui tombe

Quand nous étions des étrangers en France
Des mendiants sur nos propres chemins
Quand nous tendions aux spectres d’espérance
La nudité honteuse de nos mains

Alors alors ceux-là qui se levèrent
Fût-ce un instant fût-ce aussitôt frappés
En plein hiver furent nos primevères
Et leur regard eut l’éclair d’une épée

Noël Noël ces aurores furtives
Vous ont rendu hommes de peu de foi
Le grand amour qui vaut qu’on meure et vive
A l’avenir qui rénove autrefois

Oserez-vous ce que leur Décembre ose
Mes beaux printemps d’au delà du danger
Rappelez-vous ce lourd parfum des roses
Quand luit l’étoile au dessus des bergers

Au grand soleil oublierez-vous l’étoile
Oublierez-vous comment la nuit finit
Lorsque le vent soufflera dans les voiles
Oublierez-vous la mort d’Iphigénie

Pleure la pourpre aux ailes des pâquerettes
Ou s’il y perle une sueur de sang
Oublierez-vous la hache toujours prête
Les verrez-vous avec des yeux absents

Le sang versé ne peut longtemps se taire
Oublierez vous d’où la récolte vient
Et le raisin des lèvres sur la terre
Et le goût noir qu’en a gardé le vin

§

Quando eravamo il bicchiere rovesciato
Un ciliegio sfiorito nei turbini bigi
La terra sotto l’erpice il pane spezzato
O gli annegati che traversano Parigi
Quando eravamo fieno giallo pestato
Il grano saccheggiato e l’imposta battente
Il canto che smuore la folla piangente
Quando eravamo il cavallo stramazzato
Quando privi in Patria di cittadinanza
Andavamo raminghi senza domani
Quando tendevamo a spettri di speranza
La vergognosa nudità delle mani
Allora quelli che scesero in strada
Foss’anche un momento per subito cadere
Furono in pieno inverno le nostre primavere
Il loro sguardo fu il lampo di una spada
Natale Natale quelle aurore furtive
Restituirono a voi uomini di poca fede
Il grande amore per cui si muore e si vive
Il domani che di ieri si fa erede
Oserete ciò che il loro dicembre osa
Mie belle primavere di scampato pericolo
Ricordate l’intenso profumo di rosa
Quando la stella ai pastori fu veicolo
In pieno sole scorderete la stella
Scorderete come finì quella notte
Quando il vento tenderà le scotte
Scorderete la morte d’Ifigenia bella
Piange la porpora sulle ciglia delle prataiole
O se s’imperlano d’un sudor di sangue
Scorderete la scure sempre in cerca di gole
Le vedrete con occhio che assente langue
Non può a lungo tacere il sangue versato
Scorderete donde venne il raccolto
E l’uva delle labbra sul terreno sconvolto
E il gusto amaro che il vino ne ha serbato

LOUIS ARAGON

Published in: on marzo 7, 2013 at 07:35  Comments (1)  

Credo

Je crois en toi comme au parfum
Comme au chanter d’oiseaux dans les ténèbres
Je crois en toi comme à la mer
Je crois en toi comme à la rose ouverte à minuit
Je crois en toi seule au fronton du monde
Là où le soleil se fait neige
Et l’air feu
Je crois en toi seule à l’horizon de l’homme
Je crois à perdre haleine
Au vertige à l’étourdissement à la chute
A l’anéantir de soi
Je crois en toi comme à la vie
On croit à l’instant de la mort
Je crois en toi sans me tenir à nulle rampe
Je crois en toi dans l’absence et le sommeil
O mon magnolia d’insomnie
Je crois en toi dans le vacarme et le silence
Je crois en toi dans la douleur
Je crois en toi comme à la preuve d’être
Comme au déchirement de l’au-revoir
Je crois en toi plus qu’en l’ombre moi-même
Je crois en toi comme l’eau noire aux reflets d’or
Comme la poussière aux pieds nus
Je crois en toi comme le désert à la pluie
Comme la solitude à l’étreinte
Comme à l’oreille croit le cri.

§

Credo in te come al profumo
Come al cantar d’uccello nelle tenebre
Credo in te come al mare
Credo in te come alla rosa schiusa a mezzanotte
Credo in te sola in faccia al mondo
Là dove il sole si fa neve e l’aria fuoco
Io credo in te sola all’orizzonte dell’uomo
Ti credo a perdifiato
Alla vertigine e allo stordimento
Alla caduta e all’annientamento
Io credo in te come alla vita
Si crede nel momento della morte
Io credo in te senza tenermi ad alcun sostegno
Io credo in te nell’assenza e nel sonno
O  mia magnolia d’insonnia
Io credo in te nel frastuono e nel silenzio
Io credo in te nel dolore
Io credo in te come alla prova dell’esistenza
Come allo strazio dell’addio
Io credo in te più della mia stessa ombra
Io credo in te come l’acqua nera dai riflessi d’oro
Come la polvere al piede nudo
Io credo in te come alla pioggia il deserto
Come la solitudine all’abbraccio
Come all’orecchio crede il grido.

LOUIS ARAGON

Published in: on ottobre 23, 2012 at 07:18  Comments (3)  

Arrivo dove sono straniero

J’arrive où je suis étranger
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger

Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon

Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux

Les arbres sont beaux en automne
Mais l’enfant qu’est-il devenu
Je me regarde et je m’étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus

Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d’antan
Tomber la poussière du temps

C’est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C’est comme une eau froide qui monte
C’est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu’on corroie

C’est long d’être un homme une chose
C’est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux

O mer amère ô mer profonde
Quelle est l’heure de tes marées
Combien faut-il d’années-secondes
A l’homme pour l’homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées

Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger

§

Nulla è precario come vivere
Nulla è effimero come esistere
E’ un po’ come lo squagliarsi della brina
Come per il vento essere leggero
Io arrivo dove sono straniero

Un giorno tu passi la frontiera
Ma da dove vieni, o dove vai dunque
Domani che importa e che importa ieri
Il cuore cambia con il cardo
Tutto è senza rima né perdono

Passa il dito sulla tua tempia
Tocca l’infanzia dei tuoi occhi
E’ meglio lasciare basse le lampade
La notte ci piace assai più
E’ il lungo giorno che diventa vecchio

Gli alberi sono belli in autunno
Ma il bambino che cosa è diventato
Io mi riguardo e mi stupisco
Di questo viaggiatore sconosciuto
Del suo viso e dei suoi piedi nudi

Poco a poco tu ti fai silenzio
Ma non così in fretta tuttavia
Per non sentire la tua dissonanza
E per non sentire cadere sul te stesso
di una volta il colpo del tempo

E’ duro invecchiare al termine del conto
La sabbia ci scappa tra le dita
E’ come un’acqua fredda che sale
E’ come una vergogna che cresce
Una pelle che grida? Mi sbatti?

E’ duro essere un uomo una cosa
E’ duro rinunciare a tutto
Le senti le metamorfosi
Che accadono dentro di noi
Come piegano lentamente le nostre ginocchia

O mare amaro o mare profondo
Qual è l’ora delle tue maree
Quanti anni occorrono all’uomo
quanti secondi per abiurare l’uomo
perché perché queste sgomitate

Nulla è precario come vivere
Niente è effimero come essere
E’ un po’ come lo squagliarsi della brina
E per il vento esser leggero
Giungo dove sono straniero.

LOUIS ARAGON

Non esistono amori felici

IL N’Y A PAS D’AMOUR HEUREUX

Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force

Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit

Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix

Et quand il croit serrer son bonheur il le broie

Sa vie est un étrange et douloureux divorce

Il n’y a pas d’amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes

Qu’on avait habillés pour un autre destin

A quoi peut leur servir de se lever matin

Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains

Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes

Il n’y a pas d’amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure

Je te porte dans moi comme un oiseau blessé

Et ceux-là sans savoir nous regardent passer

Répétant après moi les mots que j’ai tressés

Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent

Il n’y a pas d’amour heureux

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard

Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson

Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson

Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson

Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare

Il n’y a pas d’amour heureux

Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur

Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri

Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri

Et pas plus que de toi l’amour de la patrie

Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs

Il n’y a pas d’amour heureux

Mais c’est notre amour à tous les deux

§

Niente per l’uomo è mai definitivo Non la sua forza

non la debolezza né il suo cuore E quando crede

di aprire le braccia la sua ombra è una croce

e quando vuole stringere la sua felicità la sbriciola

uno strano doloroso divorzio è la sua vita

Non esistono amori felici

La sua vita è come quei soldati disarmati

per altro scopo un tempo equipaggiati

a cosa può servire il loro alzarsi di buon ora

per ritrovarsi a sera disoccupati incerti

dite queste parole La mia vita E trattenete il pianto

Non esistono amori felici

Mio bell’amore amore caro mio strazio

ti porto in me come un uccello ferito

e quelli senza saperlo ci guardano passare

ripetendo dietro di me le parole che ho intrecciato

e che per i tuoi grandi occhi subito morirono

Non esistono amori felici

E’ troppo tardi ormai per imparare a vivere

piangano insieme nella notte i nostri cuori

quanta infelicità per la più piccola canzone

quanti rimorsi per scontare un fremito

quanti singhiozzi per un’aria di chitarra

Non esistono amori felici

Non c’è amore che non dia dolore

non c’è amore che non ferisca

non c’è amore che non lasci il segno

e non meno l’amore di patria che l’amore per te

non c’è amore che non viva di pianto

Non esistono amori felici

ma per noi due c’è il nostro amore

LOUIS ARAGON

Le mani di Elsa

 LES MAINS D’ELSA

Donne-moi tes mains pour l’inquiétude
Donne-moi tes mains dont j’ai tant rêvé
Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé 
Lorsque je les prends à mon propre piège
De paume et de peur de hâte et d’émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fuit de partout dans mes mains à moi 
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli 
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots 
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu 
Donne-moi tes mains que mon coeur s’y forme
S’y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement..

 §

Dammi le tue mani per l’inquietudine
Dammi le tue mani di cui tanto ho sognato
Di cui tanto ho sognato nella mia solitudine
Dammi le tue mani perch’io venga salvato.
Quando le prendo nella mia povera stretta
Di palmo e di paura di turbamento e fretta
Quando le prendo come neve disfatta
Che mi sfugge dappertutto attraverso le dita.
Potrai mai sapere ciò che mi trapassa
Ciò che mi sconvolge e che m’invade
Potrai mai sapere ciò che mi trafigge
E che ho tradito col mio trasalire.
Ciò che in tal modo dice il linguaggio profondo
Questo muto parlare dei sensi animali
Senza bocca e senz’occhi specchio senza immagine
Questo fremito d’amore che non dice parole
Potrai mai sapere ciò che le dita pensano
D’una preda tra esse per un istante tenuta
Potrai mai sapere ciò che il loro silenzio
Un lampo avrà d’insaputo saputo.
Dammi le tue mani ché il mio cuore vi si conformi
Taccia il mondo per un attimo almeno
Dammi le tue mani ché la mia anima vi s’addormenti
Ché la mia anima vi s’addormenti per l’eternità.

LOUIS ARAGON

Published in: on dicembre 11, 2009 at 07:16  Comments (4)  
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